Ah le porno ! Voilà un vaste sujet à aborder. Difficile, lorsqu’on parle de sexualité, de ne pas parler de porno. Et je vous mets au défi, même en 2020, d’en discuter librement.
Bonjour la conversation délicate ! Hello les aprioris ! Willkommen les silences gênants ! Mais ce n’est pas à Point Q que nous nourrirons ces clichés. Prenez ma main et lançons-nous ensemble dans le (parfois) merveilleux monde de la pornographie.
La jolie statuette en tête d'article est une figure kamasutra.
Le porno, son incroyable histoire !
Pour commencer, il faut reprendre les bases : qui, où, comment et pourquoi?
Vous découvrirez dans cet excellent article de Laurent Martin : Jalons pour une histoire culturelle de la pornographie en Occident le porno à travers les âges. Je vous le recommande chaudement !
Aux côtés de ce bon Laurent, nous apprenons que la pornographie est présente dès l’antiquité donc bien avant PornHub. Imaginez le nombre d’humains qui se titille grâce au porno depuis 2000 ans !
Par exemple, chez nos amis romains, des scènes pornographiques se trouvaient sur de nombreux vases et coupes :
« Selon H. A. Shapiro, beaucoup de ces scènes anticipent certains aspects de la notion moderne de pornographie (…) Ils comprennent des éléments de fantasmes (masculins) et des détails exagérés (non limités aux femmes ; le pénis de l’homme en érection est souvent d’une taille fort improbable) ; il y a des scènes de groupe, avec une grande imagination dans la combinaison des positions [...] »
Pratique, me direz-vous : on peut boire son petit vin tout en admirant de gigantesques verges.
Mais c’est à la fin du XIXème que le porno prend un tournant majeur, avec l’invention de la photographie puis du cinématographe. Je vous renvoie vers ce petit film américain, Serpentine Dance, réalisé par William K.L. Dickson en 1895, avec Annabelle Moore. Il a fait grand scandale à sa sortie. Vous pouvez regarder la version coloriée au pochoir ici.
Ne vous inquiétez pas, c’est totalement “safe for work” !
Mais qu’en est-il pour vous? Maintenant que le porno est disponible partout, qu’il est à la portée d’un clic ! Souhaitez-vous consommer du porno, seul, à deux ou plus?
Il est temps pour vous de rentrer dans l’histoire, la grande Histoire du cul !
J’aimerais regarder du porno : est-ce incompatible avec ma vie de couple?
La société donne souvent le ton en matière de représentation. Notamment concernant la sexualité. Il y a ce qu’on juge acceptable et le reste.
Parfois les signaux envoyés sont mixtes.
Est-ce que je peux regarder du porno? Est-ce ok si je suis une femme? Si je suis en couple?
Je ne le répète jamais assez, tout est une affaire d’envie, de consentement. Regarder - lire du porno, ce n’est pas une obligation. Il est toujours important de s’écouter. Ce n’est pas parce qu’il est facile d’en consommer qu’il est nécessaire de le faire. Ce n’est pas parce que votre partenaire le fait que vous devez le faire.
Néanmoins et c’est important de le dire : on ne shame pas ! A l’inverse, vous ne pouvez pas obliger votre compagne ou compagnon à ne pas en regarder. Il n’y a pas de honte à aimer la pornographie, s’il s’agit d’échange entre personnes adultes & consentantes.
Enfin, il n’y a pas un “nombre” acceptable de fois où l’on peut en consommer. Une fois par an, une fois par mois, une fois par jour, que sais-je ! Si cela ne vous empêche pas de profiter pleinement des autres plaisirs de la vie, alors tout va bien !
Mais si c’est cela reste source de gêne au sein de votre vie de couple? Comme dans tout problème, quelque soit son sujet, la clé est la discussion.
Vous pouvez demander à votre partenaire ce qui le/la met mal à l’aise avec la pornographie. En effet, il se peut que son appréciation repose sur un ressenti non argumenté ou sur une vue clichée de la pornographie, alors qu’il a énormément évolué ses dernières années.
Donc, si vous sentez que l'envie est là, n'hésitez pas à en parler !
Il n’y a pas que la pornographie “mainstream” qui existe (machine à laver en panne, plombier sexy qui frappe à la porte, fellation, pénétration en levrette, au revoir madame). Bien au contraire, avec la mise en avant de pornos alternatifs, féministes et queer (souvent produits et réalisés par des femme ou personnes non-binaires) vous découvrirez une toute nouvelle manière de représenter la sexualité. C’est une mouvance plus artistique, qui s’attache à sortir des codes poncés de cette industrie, même lorsqu’il s’agit de pratiques dites “extrêmes” comme le BDSM par exemple.
Si cela vous intéresse, vous pouvez jeter un oeil à Carré Rose, qui sont des films porno français indépendants ou encore aux films d’Erika Lust.
Pour rassurer votre partenaire, pourquoi ne pas lui proposer d’autres formats. Les bandes dessinées érotiques ne manquent pas, tout comme la littérature coquine ! Il y a même les gifs et les podcasts (avec VOXXX par exemple).
D’ailleurs l’érotisme peut être un premier pas vers le porno. C’est moins cru et laisse plus de place à l’imagination.
Et il ne faut pas hésiter à partager ces moments avec votre partenaire !
Oui le porno peut être plus qu’un plaisir solitaire. Beaucoup de couples en consomment, avant un rapport, pendant un rapport, en dehors d’un rapport.
Nous avons donc demandé à Chloé, une lectrice du blog de Point Q, de nous parler de son expérience avec le porno. Voici son témoignage :
La minute interview avec Chloé :
Bonjour Chloé, merci de partager votre expérience avec nous !
1 - Depuis quand consommez vous du porno?
Les premières fois où je me suis touchée, c'était sur des choses qui n'étaient pas forcément liées au porno. Mais par contre, mon premier lien a du porno pur et dur, je devais avoir 12-13 ans. Je n'arrive pas à me rappeler quelle source était la première mais il y avait les images porno lors des premières sorties sur internet et quelques appels à un téléphone rose qui racontait des histoires érotiques. Je n'arrive pas à croire que mes parents ne m'ont pas captés avec la facture de téléphone.
2 - Est-ce seulement des films et/ou de la littérature? BD? Podcast?
Alors principalement c'est de l'image animée : film porn sur des sites de streaming ou des sites de prod indé (carré rose est vraiment cool) mais il y aussi du hentai et les sélections de gifs animés du tag parfait qui font leur petit effet. Sinon, j'aime aussi lire des histoires porno, ça me permet de renouveler un peu les sensations mais ca demande plus d'implication qu'avec des vidéos qui sont plus ""efficaces"" mécaniquement en terme de plaisir et de timing. On m'a aussi parlé du podcast VOXXX, il faudrait que je teste.
3 - Est-ce plus difficile pour vous d'en consommer en tant que femme?
En parler carrément ! Mais en consommer, à l'heure actuelle c'est pas du tout difficile, l'offre est beaucoup plus variée et je pense que tout le monde peut trouver son bonheur. Par contre, au début, c'était plus compliqué. Il fallait se contenter de sexe très mainstream, très gonzo, le sexe lesbien était caricatural au possible avec les ongles de 12 mètres de long... Je pense d'ailleurs que, ayant dû me satisfaire de cette offre-là, ça a construit en partie mes attentes et ce que je pensais ""devoir faire"" lors des débuts de ma vie sexuelle. Après ce n'est pas la seule chose qui m'a influencé mais ça y a participé. C'est uniquement quand j'ai commencé à questionner mes envies et ce que je faisais ou regardais que j'ai pu sortir un peu de ce carcan.
4 - Avez-vous essayé différents genres?
Curieuse comme je suis, j'ai jeté un oeil à à peu près tout. Quitte à regarder 15 secondes et fermer en se passant les yeux à la javel parce que ça a eu l'effet contraire à celui recherché. Au moins, je suis certaine que je n'ai pas un fetish caché ! Mais maintenant, je me rends compte que j'ai des tags qui reviennent régulièrement et se renouvellent de manière cyclique. J'ai des périodes douceur avec du tag massage ou bain, des plus hardcore avec des tag gangbang et fisting, y'en a même des plus originaux qui sortent de nulle part. En bref, c'est assez divers.
5 - Est-ce que cela vous a aidé dans votre sexualité, ou, au contraire, a révélé des insécurités?
C'est assez compliqué de savoir parce que je pense, d'un point de vue global et en prenant compte aussi tous les débuts de ma vie sexuelle où mon rapport à la sexualité était vraiment compliqué, c'est une histoire amour-haine. Le porno m'a autant libéré dans mes pratiques en me les faisant découvrir tout simplement qu'il a aidé à les stigmatiser parce qu'il peut des fois être en décalage avec la réalité. En clair, je faisais comme dans le porno et je me heurtais à des partenaires qui ne comprenaient pas ou pire, me faisaient me sentir mal dans mes pratiques.
6 - En consommez vous avec votre partenaire? Si oui, comment avez-vous décidé d'en profiter à deux?
Avec mon partenaire, on a tendance à se raconter ce que l'on voudrait se faire avec de récits porno/érotiques. On utilise aussi des gifs. Mais c'est un sujet assez drôle parce qu'on a beaucoup de discussions très libérées sur notre sexualité et la sexualité en général et assez souvent on se dit, étonnés, que l'on a jamais regardé de films porno ensemble. Disons que c'est plutôt une occasion qui ne s'est pas présentée qu'une gène, loin de là !
Internet : le Royaume du porno
L’industrie du porno est une des industries les plus rentables de notre petite planète. Et c’est souvent elle qui donne le ton en matière d’avancée cinématographique. Par exemple, vous pouvez dire merci au porno pour le blu-ray.
Avec une industrie aussi grande et grâce à la puissance de nos internets, il est évident que vous trouverez de tout ! C’est aussi la beauté de la chose.
En 1950, Tarantino et son fétiche des pieds ce serait trouvé bien seul. Aujourd’hui, même Brad Pitt en rigole lors de la remise des SAG awards.
Donc si vous vous êtes déjà senti inadéquat parce que vous aimez faire du sexe enroulé dans une pelote de laine, croyez-moi, vous trouverez des adeptes sur internet.
Mais le monde du porno est loin d’être tout rose et il serait malhonnête de ne pas en parler. C’est un milieu qui peut être extrêmement toxique, notamment pour les acteurs et actrices (comme vous pouvez le voir dans le documentaire Hot Girls Wanted sur Netflix). Et lorsque nous parlons de consentement, ils sont directement concernés !
Les productions traditionnelles mettent en avant un porno qui se focalise sur la jouissance des hommes hétérosexuels. La femme est souvent soumise et son plaisir passe en second plan.
De même la pornographie véhicule de nombreux clichés problématiques, notamment avec la catégorie “interracial” qui se réfère à du porno mettant en scène un homme noir “bien monté” ayant un rapport plutôt musclé avec une jeune femme blanche.
Je vous renvoie à cet article Slate qui vous éclairera sur le racisme dans l’industrie pornographique.
C’est pourquoi il est important de regarder du porno qui reflète nos valeurs propres.
Certaines pratiques dites “extrêmes” comme le BDSM utilisent pour le plaisir, la contrainte, la douleur et l’humiliation. Si c’est votre kiff mais que vous voulez être certain que ce soit fait de manière safe, Kink.com est une piste à explorer. Cette boîte de production spécialisée dans le BDSM partage avant et après le film, un débrief avec les acteurs. Ils y expliquent leur ressenti suite au tournage.
Vous pouvez aussi regarder les making-of des tournages ou suivre les acteurs sur les réseaux sociaux. Ca vous donnera un bel aperçu de leur positionnement.
Enfin, si une vidéo pornographique vous questionne, n’hésitez pas à en parler autour de vous. Chacun peut, en fonction de sa sensibilité, se sentir mal à l’aise après le visionnage. Partager vos impressions est alors nécessaire.
Pour résumer, il y a de tout dans le porno ! Pour en profiter seul ou à plusieurs, le mieux est de vous écouter et de se tenir informé !
Et si quelque chose vous turlupine, n’hésitez pas à me contacter par mail à jeannette@point-q.com !
Je ne bouge pas, promis !
A très vite,
Jeannette Spectaculaire